1ère balade littéraire à Paris pendant le siège de 1870 et la Commune

41 rue de Clignancourt.
41 rue de Clignancourt.
Paris n’est pas une ville fréquentable. La Semaine sanglante et la frayeur passées, la République se demande sérieusement s’il ne serait pas plus sage de choisir une autre capitale à la France. Elle se demandera également, pendant une grande partie des années 1870, si le régime républicain est bien celui qui convient le mieux aux Français…

Peu d’écrivains se trouvent dans la capitale pendant le siège de Paris, et encore moins pendant la Commune. Entre le début de celui-ci en septembre 1870 et fin mai 1871, on y voit Verlaine – jeune marié en août et fonctionnaire refusant d’obéir en mai suivant au gouvernement versaillais qui ordonne aux fonctionnaires de quitter leur poste -, Rimbaud présent fin août-début septembre et entre le 25 février et le 10 mars ; Jules Vallès, Louise Michel, Henri Rochefort et le parnassien – fils de marquis ! – Louis-Xavier de Ricard, Communards engagés ; Catulle Mendès (domicilié passage – aujourd’hui rue – Saulnier pendant la Commune) ; Emile Zola domicilié 14 rue La Condamine entre le 14 mars et le 10 mai ; Maxime du Camp ; Théophile Gautier ; Edmond de Goncourt qui pleure la mort de son frère Jules en se promenant dans les rues de la capitale ; Victor Hugo arrivé à Paris le soir du 5 septembre. Député en février 1871 et bientôt bordelais, il est de retour dans la capitale le 18 mars – jour du soulèvement qui mène à la Commune, proclamée officiellement le 28 – pour enterrer son fils Charles, tué par une apoplexie foudroyante. Hugo regagne Bruxelles le 21 pour régler des affaires de famille et vit la Commune comme Rimbaud : à distance.

Comme Hugo, Edgar Quinet a regagné Paris après Sedan et dix-huit ans d’exil. Mais Quinet – comme Louis Blanc – condamnera la Commune, qui ne possède à ses yeux aucun fondement démocratique.

Quelques artistes sont solidaires des insurgés, tels Courbet, proche de Vallès, et Manet, qui s’enrôle dans la Garde nationale pendant le siège. Il quitte la capitale après l’armistice et revient après la fin de la Commune. Son nom figure cependant sur la liste de la Commission des artistes.

A l’image des journées de juin 1848[[Une bonne partie des Communards ont d’ailleurs connu, plus jeunes et moins mûrs, les barricades de 1848, tel Charles Delescluze.]], les deux mois que dure la Commune entre le 18 mars et le 28 mai 1871 dressent contre elle les écrivains et penseurs de l’époque, à l’exception de Vallès, de Verlaine, toutefois prudent et retranché dans son appartement de la rue du Cardinal Lemoine, de Rimbaud et de quelques rares autres poètes et journalistes.

Dans leur écrasante majorité, les « Voix de la liberté »[[Titre de l’ouvrage passionnant de Michel Winock : Les Voix de la liberté. Les écrivains engagés au XIXe siècle. Paris, Seuil, 2001.]] crient à la trahison de la République par les Communards.

L’une d’elles se distinguera pourtant des autres : celle de Hugo. Favorable à la Commune sur le principe, il l’estime bien inopportune (se révolter quand l’ennemi est à nos portes !) et est choqué par ses excès[[J’accepte le principe de la Commune. Je n’accepte pas les hommes. J’ai protesté contre leurs actes, loi des otages, représailles, arrestations arbitraires, violation des libertés, suppression des journaux, spoliations, confiscations, démolitions, destruction de la Colonne, attaques au droit, attaques au peuple. Article de Hugo dans L’Indépendance belge (26 mai 1871), qui rappelle aussi que l’Assemblée a précipité le déclenchement de la Commune par l’étourderie préméditée de ses mesures contre les Parisiens.]], mais plus encore par la répression aveugle qui fait entre 20 000 et 30 000 victimes parmi les hommes, les femmes et les enfants de la capitale. Il se battra pour l’amnistie des Communards, obtenue finalement en 1880.

Le square Nadar et le Sacré-Coeur derrière.
Le square Nadar et le Sacré-Coeur derrière.
La guerre a fait sortir Flaubert et les parnassiens de leur tour d’ivoire[[L’attitude de Flaubert est symptomatique. Il déplore d’abord la déclaration de guerre et la futilité de ses motifs, en rejetant la faute sur le fétichisme qu’a l’Empire pour le suffrage universel. Quand la situation militaire tourne à l’avantage de la Prusse, il prépare son fusil et se refuse à la paix.]]. La Commune fait se craqueler le vernis d’opinion des écrivains. Ceux qui, sous l’Empire, dénonçaient le bourgeois, en défendent maintenant les intérêts. La situation est simple à leurs yeux : les Communards ne sont pas mus par des raisons idéologiques ou politiques, puisqu’ils ne sont pas des hommes mais des bêtes. Daudet les appelle têtes de pions, collets crasseux, cheveux luisants, Edmond de Goncourt une racaille déguisée en soldats[[Journal, 15 mai 1871.]], Anatole France, un comité d’assassins, une bande de fripouillards, un gouvernement du crime et de la démence, Gautier, des animaux féroces, des hyènes et des gorilles, qui se répandent par la ville épouvantée avec des hurlements sauvages[[Lire P. Lidsky, Les Ecrivains contre la commune, Maspero, 1970.]]. [Que le peuple] crève donc de faim et de froid, ce peuple facile à tromper qui va bientôt se mettre à massacrer ses vrais amis ! écrit Leconte de Lisle. A l’histoire et à la sociologie, ces auteurs substituent la biologie. Ernest Feydeau : Ce n’est plus la barbarie qui nous menace, ce n’est même plus la sauvagerie qui nous envahit, c’est la bestialité pure et simple. Maxime Du Camp penche plutôt pour un accès d’épilepsie morale ; une sanglante bacchanale ; une débauche de pétrole et d’eau de vie[[Les Convulsions de Paris.]]. Son ami Flaubert pense qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune et forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de Paris, la chaîne au cou, en simples forçats. Comme bientôt Taine et Renan, il considère que la perte de la guerre est la conséquence de la décadence morale et sociale du Second Empire. Ernest Houssaye écrit au sujet des Communardes : Pas une de ces femmes n’avait une figure humaine : c’était l’image du crime ou du vice. C’était des corps sans âme qui avaient mérité mille fois la mort. Barbey d’Aurevilly n’est bien sûr pas en reste au sujet des atroces bandits de la Commune[[Dans Le Figaro du 18 avril 1872.]]. Élémir Bourges – dans Les Oiseaux s’envolent et les fleurs tombent en 1893 – et Paul Bourget – dans Un Crime d’amour en 1886 – tremperont, avec Renan, Taine, Dumas Fils, George Sand (qui parle de delirium tremens), Littré et d’autres encore, leur plume dans l’encre anti-communarde. Catulle Mendès et Villiers de L’Isle-Adam semblent avoir été plutôt favorables à la Commune dans ses débuts, avant de se retourner contre elle.

Bref, une lutte du Bien contre le Mal, de la civilisation contre la barbarie, qui épargne ceux qui viennent de décéder : Sainte-Beuve meurt en octobre 1869, Jules de Goncourt en juin 1870 (comme Charles Dickens), Mérimée en septembre, et Dumas en décembre.

A droite, le 24 rue Houdon.
A droite, le 24 rue Houdon.
Leurs confrères communards actifs (Vallès, Ricard, Courbet) ou passifs (Verlaine) ont été, aux yeux du plus grand nombre des écrivains, contaminés par le virus de la peste révolutionnaire et ont eux aussi perdu la tête.

Autant poètes et prosateurs se liguent avant la Commune pour glorifier la patrie et saluer la bravoure des Français, autant, en mai 1871, certains appellent de leurs vœux le soutien des Prussiens pour écraser le peuple parisien. Après mai, ils s’allient pour réduire cette révolte à l’histoire d’une manipulation du peuple et des « bons pauvres » par quelques excités.


En attendant de revenir, à l’occasion d’un second article, sur la chronologie du siège de Paris et de la Commune, voici un premier itinéraire que nous vous proposons dans la capitale, de Montmartre, qui voit le déclenchement de l’insurrection le 18 mars 1871, à la place Vendôme, où la colonne est abattue par les Communards le 16 mai suivant[[Lire le bel article de Bernard Vassor : 512.]].

Les plus courageux peuvent commencer dans le quartier des Batignolles (métro La Fourche).

Émile Zola est jeune marié au moment où chute l’Empire. Il quitte début septembre son domicile du 14 rue La Condamine et s’installe à Marseille. Le voilà à Bordeaux en décembre lorsque la ville accueille le gouvernement. Il rédige des comptes-rendus des travaux de l’Assemblée pour le journal La Cloche, hostile à la Commune. Le 14 mars 1871, les Zola emménagent à nouveau au 14 rue La Condamine, qu’ils quittent le 10 mai de peur d’être pris comme otages. Ils s’y installent à nouveau après la Semaine sanglante.

1) Louise Michel tient dans les années 1860 une école à l’angle des rues du Mont-Cenis, Saint-Vincent et Becquerel (plaque). Arrivée à Paris en 1856, elle est choquée par la misère des enfants et y exerce son métier d’institutrice. Signalons la présence toute proche de la maison des beaux-parents de Verlaine, 14 rue Nicolet, où le poète accueille Rimbaud en septembre 1871 (voir 534).

2) Sur l’emplacement du square Nadar et du Sacré-Cœur sont parqués les canons de la garde nationale, que l’armée républicaine tente de récupérer le matin du 18 mars 1871.

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Profitant de la lenteur de l’opération (les soldats n’ont pas prévu assez de chevaux), Louise Michel et le Comité de vigilance du XVIIIe arrondissement rassemblent des parisiens sur la butte, afin de s’opposer aux soldats. C’est le début du soulèvement. Les soldats mettent crosse en l’air et refusent de tirer sur le peuple.

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3) Le général Lecomte est aussitôt fait prisonnier par la Garde nationale. Il est gardé dans le parc du Château-rouge (qui se trouverait aujourd’hui entre les 42 à 54 rue de Clignancourt et la rue Custine), puis transféré au comité local de la Garde nationale, 6 rue des Rosiers (au niveau du 36 rue du Chevalier-de-la-Barre). Plus tard dans la journée, le général Clément Thomas, parti à la recherche de Lecomte, est reconnu place Pigalle malgré ses habits civils et arrêté. Il rejoint Lecomte rue des Rosiers. Des inconnus (leurs propres soldats, selon Lissagaray) débordent la Garde nationale et les exécutent le soir-même. La nouvelle fait aussitôt le tour de Paris et bientôt de la France, symbolisant aux yeux des Versaillais le caractère sanguinaire des insurgés.

4) Louise Michel participe pendant le siège de Paris aux séances du comité de vigilance du XVIIIe arrondissement, 41 chaussée (rue) de Clignancourt, face à la rue Myrha. C’est aussi l’adresse de Théo Ferré, qui initie Louise à la politique. L’immeuble de 1869 est toujours debout.

5) Le 7 octobre 1870, Gambetta s’envole de la capitale assiégée dans un ballon qui décolle de la place Saint-Pierre. Un grand tableau en garde le souvenir au musée Carnavalet. Hugo, qui se promène alors boulevard de Clichy observe et note la scène dans ses Choses vues.

L’expédition a été montée par le photographe Nadar, qui promeut la photographie militaire aérienne dès 1855 et crée en août 1870 la première Compagnie des aérostiers militaires. Son ballon captif le Neptune, basé place Saint-Pierre, transmet bientôt des observations quotidiennes au général Trochu. Il le libère le 23 septembre, chargé de courrier, inaugurant la poste aérienne du siège de Paris. Soixante-sept ballons s’envolent ainsi durant les 136 jours du siège, décollant également de la gare d’Orléans (gare d’Austerlitz) ou de la gare du Nord. Ces ballons étant impossibles à diriger, certains s’écrasent, d’autres sont capturés par les Prussiens, d’autres parviennent à s’échapper. Le Musée de la poste[[D’autres souvenirs des ballons du siège de Paris sont exposés au Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget (www.mae.org). Au musée Clemenceau (8 rue Franklin) est présentée – sur en-tête de la « Mairie de la Butte Montmartre » – une lettre écrite en anglais par Georges Clemenceau à sa femme Marie, postée par ballon et récupérée par les Prussiens. Pendant que nous y sommes, signalons l’importante et passionnante collection sur la guerre de 1870 et la Commune du Musée d’Art et d’histoire de Saint-Denis, 22 bis rue Gabriel Péri (cf. www.musee-saint-denis.fr), les toiles exposées au musée Carnavalet ainsi que les objets du Musée de l’Armée aux Invalides consacrés aux années 1870-1871 (mais cette partie du musée est en rénovation jusqu’en 2007).]] (34 boulevard de Vaugirard) conserve des souvenirs étonnants d’autres moyens utilisés par les parisiens assiégés pour communiquer avec l’extérieur : lettres microfilmées transportées par des pigeons voyageurs, « boules » de lettres jetées dans la Seine… qui gèle parfois (la dernière à ce jour a été retrouvée en 1982 !).
Nadar est parisien pendant la Commune, mais, désapprouvant certains de ses excès, il ne s’engage pas activement aux côtés des fédérés malgré la sympathie qu’il leur porte. Dommage, car il en aurait certainement rapporté des photos. Son adresse professionnelle est le 35 boulevard des Capucines à partir de 1856.

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6) Après la Commune et jusqu’en 1885, Clemenceau tient 23 rue des Trois frères un dispensaire où, tel Raspail en 1848, il soigne gratuitement les déshérités (plaque). Il démissionne de ses mandats de député-maire fin mars 1871 et s’éloigne de la vie politique parisienne, étant considéré comme un traître par les deux bords après l’échec de ses tentatives de conciliation entre Versailles et la capitale. Il est conseiller municipal du XVIIIe, puis deviendra président du Conseil de Paris en 1874 et à nouveau député en 1876.

7) À l’intersection de la place et de la rue des Abbesses se trouvait la mairie de Montmartre. Clemenceau est nommé maire provisoire de Montmartre par Arago le 5 septembre 1870 et est confirmé par les élections municipales de novembre. Il est élu député de la Seine en février 1871.

En août 1870, Paul Verlaine épouse ici Mathilde Mauté en présence de Louise Michel qui a eu Mathilde comme élève et lui dédie un poème : « Charmante épouse du poète, / Jeune fille, beau lys en fleur, / Vous savez, le barde est prophète, / Et je vous prédis le bonheur ». Poème de circonstance, mais guère plus, malheureusement…

8) Louise Michel habite 24 rue Houdon pendant la Commune. Elle y a créé un externat en 1865, qu’elle continue de diriger pendant l’insurrection.

9) Le journaliste Paschal Grousset, que nous avons déjà rencontré à l’occasion du meurtre de Victor Noir, est arrêté 39 rue Condorcet après la Semaine sanglante. Le 39 rue Condorcet est un immeuble récent, mais les n°33 et 35 datent de 1875. « Il était déguisé en femme, avec robe noire, corset et chignon. Ses papiers étaient cachés sur le baldaquin du lit » (La Révolution de 1870-1871, Jules Claretie). Déporté en Nouvelle-Calédonie, Grousset s’en évade en 1874 et gagne Londres. Il sera bientôt, sous le nom d’André Laurie, co-auteur de romans avec Jules Verne (Les Cinq cents millions de la Bégum – 1879 –, L’Étoile du sud – 1884 – et L’Épave du Cynthia – 1885). Après l’amnistie de 1880 et son retour en France, il devient un collaborateur du Magasin d’Éducation et de Récréation de l’éditeur Hetzel.

10) Après dix-huit ans d’exil, Hugo arrive le 5 septembre au soir à la gare du Nord, où il est acclamé comme un héros. Il parvient avec grande difficulté à gagner, à minuit, la maison de son ami Paul Meurice qui l’accueille 5 avenue Frochot.

Il devient aussitôt la vedette de la capitale occupée. Les parisiens assiégés s’arrachent les éditions des Châtiments. Le monde politique et artistique[[Louise Michel, Gambetta, Jules Ferry, Théophile Gautier, Auguste Vacquerie, Louis Blanc, Quinet, Schoelcher, Arsène Houssaye (15 novembre) Sarah Bernhardt (21 novembre) Verlaine et Léon Valade (23 novembre), etc.]] rend visite au grand homme, qui veut intégrer la garde nationale mais n’obtient aucune réponse du général Trochu. Il refuse cependant toutes les propositions de s’engager en politique, qu’elles viennent du gouvernement provisoire ou de ceux qui, tels Vallès, poussent à l’insurrection. N’a-t-il pas dit en 1848 à l’écrivain Paul Lacroix : « Ne voyez pas en moi un ministre… Je veux l’influence et non le pouvoir » ? Ses Choses vues sont une impressionnante (et fiable ?) chronique du siège.

11) Pendant le siège de Paris et les débuts de la Commune, Ernest Renan habite la maison du 16 rue Chaptal – aujourd’hui le beau musée de la Vie romantique –, avant de se mettre à l’abri à Versailles, 22 rue Mademoiselle.

12) L’adresse de Guy de Maupassant est le 2 rue Moncey entre 1869 et 1876, avec des interruptions en 1870-1871 puisqu’il est soldat depuis l’été 1870, rapatrié à Paris après Sedan, puis à Rouen et Étretat pendant la Commune. Le siège de la capitale et la présence des Prussiens en France se retrouvent dans plusieurs de ses nouvelles, comme, bien sûr, Boule de suif, mais aussi Les Deux amis (fusillés pour une partie de pêche à l’Île Marante à Colombes), Mademoiselle Fifi, La Mère Sauvage, Le Père Milon, La Folle, Les Idées du colonel, L’Horrible, etc. Maupassant y mêle sa haine de l’occupant à l’héroïsme des petites gens.

13) La maison de Thiers, place Saint-Georges (plaque), est détruite par les Communards. Elle est ensuite reconstruite.

14) Au 37 rue des Martyrs habite Millière, avocat, journaliste et député de la Seine, fusillé par les Versaillais sur les marches du Panthéon, pendant la Semaine sanglante.

La place Saint-Pierre aujourd'hui (novembre 2005).
La place Saint-Pierre aujourd’hui (novembre 2005).

15) Le 10 rue Notre-Dame-de-Lorette est en 1871 la demeure de Charles Delescluze, élu à la Commune par les 11e et 19e arrondissements.

16) Le Casino-Cadet, salle de bals et de concerts, se tenait 18 rue Cadet. Il accueille des réunions politiques à la fin du Second Empire. Vallès y donne le 15 janvier 1865 une conférence sur Balzac, qu’il admire. Comme il l’agrémente de remarques personnelles sur l’Empire, cela lui vaut un renvoi de la mairie de Vaugirard, où il était en poste depuis 1860.

17) Catulle Mendès est domicilié rue Saulnier pendant la Commune (Jules Verne a vécu au n°18 en 1861). Comme Villiers de l’Isle-Adam, il lui est d’abord assez favorable, même s’il est bien sûr choqué par l’exécution des généraux Lecomte et Thomas. Il reconnaît la complexité de la situation, la maladresse et la couardise de Thiers et la sincérité des fédérés. Mais à partir d’avril, ces derniers se transforment à ses yeux en des émeutiers dont il ne voit plus que la violence. Dans Les 73 journées de la Commune, il contribue à répandre la légende des « pétroleuses », ces soi-disant insurgées incendiaires, dont on pense aujourd’hui qu’elles se rapportent davantage au fantasme qu’à la réalité.

18) Nous pénétrons maintenant dans le quartier de la presse de l’époque. Le 11 faubourg Montmartre est le siège du journal Le Trait d’Union de Deplace pendant la Commune.

Ce sera l’adresse du Voltaire de Jules Laffitte en 1880. Héritier du Bien Public, Le Voltaire veut devenir le Figaro des républicains. Zola, qui tente d’en faire l’organe en chef du naturalisme, y collabore.

19) Le 10 faubourg Montmartre est le siège du journal communard Le Spectateur.

20) Le Café de Madrid se trouvait jusqu’à une époque récente 6 boulevard Montmartre. Ses habitués dans la seconde moitié du XIXe siècle se nomment Gambetta, Delescluze et ses collaborateurs du journal Le Réveil : Razoua, Quentin, Favre.

Hector de Callias y rédige ses chroniques musicales du Figaro. Sa femme Nina y fait plus tard des discours enflammés en faveur de la Commune. Pendant cette dernière, Razoua – devenu colonel – arrive ici à cheval, désaltère son gosier et repart au galop pour se rendre, par la rue Drouot, à Montmartre où il commande le 61e bataillon de la garde nationale.

21) Daudet décrit dans Quarante ans de Paris, 1857–1897 une rencontre qu’il fait au Café Riche, 18 boulevard des Italiens. « Un des derniers jours du mois de mars [1871], nous étions cinq ou six attablés devant le café Riche, à regarder défiler les bataillons de la Commune. On ne se battait pas encore, mais on avait déjà assassiné rue des Rosiers, place Vendôme, à la préfecture de police. La farce tournait au tragique, et le Boulevard ne riait plus. Serrés autour du drapeau rouge, la musette de toile en sautoir, les communeux marchaient d’un pas résolu dans toute la largeur de la chaussée, et de voir ce peuple en armes, si loin des quartiers du travail, ces cartouchières serrées autour des blouses de laine, ces mains d’ouvriers crispées sur les crosses des fusils, on pensait aux ateliers vides, aux usines abandonnées… Rien que ce défilé ressemblait à une menace ». Cette rencontre, c’est celle d’un dandy beau parleur mais lâche, « cervelle en mie de pain », qui parle de s’engager dans l’armée mais sera bientôt surpris par Daudet s’évadant de Paris, déguisé en ouvrier.


A lire :
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Sources :

Promenades sur les lieux de l’Histoire, Anne Thoraval, éditions Parigramme.

Base de données de Philippe Boisseau.

Choses vues 1849-1885. Victor Hugo. Folio n°2945.

Archives du musée d’art et d’histoire de Saint-Denis.

Paul Verlaine. Henri Troyat. Livre de Poche.

A lire également (si vous le trouvez !) : Les écrivains français devant la guerre de 1870 et la commune, actes du colloque du 6 novembre 1971. 200 pages. Publications de la Société d’histoire littéraire de la France, librairie Armand Colin.

2 Comments

Ajoutez les vôtres
  1. 1
    Bernard Vassor

    > 1er itinéraire à Paris, pendant le siège de 1870 et la Commune
    Avec la permission de l’auteur de ce superbe article, je voudrai apporter une petite contribution à l’histoire de cette période qui fut passée sous silence par les uns ou bien instrumentalisée par d’autres.
    Certains évènements sont encore bien mystérieux. Prenons par exemple le 18 mars l’arrestation et la mort des généraux Lecomte et Thomas il y a plusieurs versions.

    Nous pouvons tenir pour acquit les faits suivants :
    C’est le 18 mars vers 3 heures du matin que le Général Claude Martin Lecomte à la tête du 88° régiment de marche, tenta de récupérer les 171 canons payés par souscriptions des parisiens, qui avaient été parqués « au champ des polonais », l’espace occupé aujourd’hui par le Sacré Cœur. Avec pour prétexte que ces canons auraient pu être récupérés par les prussiens ! Mon ami Jean-Paul Martineau
    professeur de médecine à Lariboisière, historien des hôpitaux de Paris, raconte :
    « Une seule personne avait été affectée à la surveillance du parc d’artillerie, le garde national Germain Turpin, un maçon de 36 ans habitant passage Doudeauville. Il était de garde cette nuit là, auprès de fameux canons lorsqu’il entendit arriver la troupe de ligne, courageusement, il fit les sommations d’usage, mais la seule réponse qu’il reçut fut une décharge de fusil qui l’atteignit à l’abdomen et le coucha par terre. Louise Michel qui se trouvait de garde au poste de garde du 61° bataillon en haut de la rue de la Fontenelle* toute proche, accourut avec une cantinière. Les deux femmes lui firent un premier pansement en déchirant leur propre linge. Le docteur Clemenceau maire du XVIII° arrivé sur place peu après lui prodigua les premiers secours sur place car le général Lecomte** soucieux de ne pas ameuter la population, s’opposa à ce que l’on transporta le blessé à l’hôpital, au scandale de l’assistance. Louise Michel parvint à le relever et le conduire à Lariboisière, on le coucha dans le lit n° 14 de la salle Saint-Ferdinand ( par la suite devenue Ambroise Paré) où atteint de péritonite affection que l’on ne pouvait pas opérer à l’époque, il agonisa 9 jours entouré de sa famille. Germain Turpin mourut heureux, disait-il d’avoir vu la Révolution. »(…)
    Deux autres blessés furent emmenés à Lariboisière, le premier Henri-Louis Blaise un tapissier du quartier agé de 21 ans survécut lui aussi neuf jours (…)la troisième victime Marguerite Boivin couturière agée de 37 ansqui faisait parti du groupe de femmes ayant arrêté la troupe et rallié les soldats, réusit à se rétablir au terme d’un séjour de 75 jours dans le lit 24 de la salle Sainte-Jeanne, d’une blessure des vaisseaux fémoraux »
    La descente des canons commença, mais, manquant d’attelage pour les emporter rapidement, les militaires restent sur place pendant que les montmartrois se réveillent et sortent de chez eux. Les tambours battent le rappel, les cloches de l’église Saint-Pierre sonnent le tocsin.
    La troupe est entourée par la foule, les Gardes nationaux se mêlent aux soldats.
    Le général Lecomte donne l’ordre de tirer sur la foule par trois fois, mais il n’est pas écouté, les soldats mettent la crosse en l’air.
    A 9 heures, le 88° régiment de ligne et les 152° et 228° bataillon fraternisent, le générl est arrêté et conduit par ses officiers au « Château Rouge » siège du comité du XVIII°.
    Les gendarmes qui l’accompagnaient sont amenés à la mairie et retenus prisonniers.
    Voici quelques adresses de personnes habitant Montmartre ce jour là :

    Le « brave père Tanguy »était concierge à l’Hôtel Demarne au 10 rue Cortot

    Jean Baptiste Clément (sans trait d’union !) 10 Cité du Midi

    Georges Clemenceau rue des Abbesses,

    Nina de Callias 17 rue Chaptal, Edmond Bazire est domicilié chez elle sur les registres du 116° bataillon.

    Vavraud libraire du 1 rue Bréda

    le capitaine Mourot Jean-Jules, employé, habitant au 100 boulevard de la Chapelle qui sera de garde à l’hôtel Thiers.

    Le commissaire de police Martial Louis Antoine Noguès (14 rue Clausel,)

    Les Mauté de Fleurville, Charles de Sivry, 12 rue Nicolet

    *Cette partie de la rue des Rosiers a changé de nom en 1868 pour s’appeler la rue de la Fontenelle. Elle sera en partie déviée lors de la construction de la basilique jusqu’à la rue de la Barre.
    Pour ce qui concerne l’emplacement du poste du 61° bataillon, différentes hypothèses ont été avancées. Nous pouvons y revenir si vous le souhaitez.

    **Lecomte a déclaré à Clemenceau : »Je ne sais ce que l’on fait dans les émeutes d’un cadavre qu’on promène sur un brancard »

    Professeur Jean-Paul Martineau ; une histoire de l’Hôpital Lariboisière, L’Harmattan 2003

    Archives de la Préfecture de police

    Archives de l’Assistance publique

    Archives personnelles,

    Guide des sources du mouvement communaliste ouvrage collectif parution 2006

    B.V : La démolition de l’Hôtel Thiers à paraître 2006

    A SUIVRE….

  2. 2
    Thomas

    1ère balade littéraire à Paris pendant le siège de 1870 et la Commune
    Itinéraire « souterrain » à Paris, pendant le siège de 1870 et la Commune

    Et l’on omet toujours tous les vestiges souterrains parisiens (ainsi que
    les inscriptions afférentes) liées à la guerre de 1870 et à la Commune ;
    comme par exemple des noms laissés par des personnes ayant fait partie du
    bataillon de mineurs-auxiliaires, ou des noms prussiens écrits au crayon
    et toujours lisibles. De même de très nombreuses têtes avec des bonnets
    phrygiens, des arbres de la Liberté, etc.

    Paris souterrain pendant 1870 et 1871

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