1) Dans le journal Le Rappel basé alors 18 rue de Valois (ce sont aujourd’hui des locaux de la banque de France), le poète et journaliste Émile Blémont (de son vrai nom Léon-Emile Petitdidier) signe en décembre 1880 un article très critique sur le recueil Sagesse de son ami Verlaine.
Signalons au passage que la maison d’édition « Michel Lévy Frères », créée en 1845, a ses bureaux 2 bis rue Vivienne, ainsi que 15 boulevard des Italiens. A quinze ans, Michel Lévy a ouvert avec ses frères Nathan et Calmann une librairie et un cabinet de lecture au 1 rue Vivienne. Michel Lévy Frères édite George Sand, Dumas, Stendhal, Mérimée, Balzac, Flaubert…
3) Après une interruption due à la guerre, les dîners des Vilains Bonshommes reprennent en août 1871 au café des Mille colonnes, 36 galerie Montpensier, au Palais-Royal[[À moins qu’il ne s’agisse du bal des Mille Colonnes, 18 rue de la Gaîté ?]], où ils s’étaient souvent tenus en 1870. Les Vilains bonshommes se radicalisent après la Commune. Ils s’opposent maintenant à Coppée, à Leconte de Lisle et aux autres parnassiens qui ont soutenu la répression bourgeoise. Les Zutiques vont bientôt prendre le relais des Vilains bonhommes. C’est le samedi 30 septembre 1871, quelques jours après son arrivée à Paris et sa rencontre avec Verlaine, que Rimbaud est présenté aux Vilains Bonshommes. Le dîner du 2 mars 1872 est marqué par l’attaque du photographe et caricaturiste Etienne Carjat par Rimbaud, à l’aide d’un couteau.
4) Au 3e étage du 20 rue Montpensier se trouve dans les années 1900 l’appartement de Jean-Louis Vaudoyer, romancier et poète, familier des Régnier (c’est-à-dire, comme tous leurs familiers, admirateur du père et amoureux d’au moins l’une des trois filles).
5) Le libraire-éditeur Alphonse Lemerre ouvre boutique en 1862 dans le passage Choiseul. Il occupe le n°23 puis plusieurs numéros impairs plus élevés. Il diffuse à partir de 1865 la revue L’Art de Louis-Xavier de Ricard (qui accueille dans ses dix numéros entre le 2 novembre 1865 et le 6 janvier 1866 des textes des poètes parnassiens – dont, en novembre, l’article de Verlaine sur Baudelaire – et se transforme en Le Parnasse contemporain avec la collaboration de Catulle Mendès). C’est dans la librairie Lemerre que, raconte Leconte de Lisle, Verlaine éjecte un jour Anatole France à coups de « botte au cul ». François Coppée, amusant, primesautier, avec son œil gris de parisien malicieux, dans un profil de médaille romaine, était l’âme de la librairie Lemerre, écrit par ailleurs Léon Daudet dans ses Souvenirs littéraires. Aujourd’hui, l’artiste Anna Stein occupe les 23-25 du passage, et veut garder trace du passé des lieux.
6) Debussy, que ses origines modestes laissent un peu à l’écart de la société parisienne, est vivement soutenu par Pierre Louÿs. Chez ce dernier, 1 rue Grétry, il joue devant Léon Blum, Henri de Régnier et d’autres convives la première partie de Pelléas et Mélisande le 31 mai 1894.
7) Verlaine est employé à la mairie du IXe, 6 rue Drouot, dans les années 1865. Il fréquente alors le café « Le Cadran » (aujourd’hui « Le Central »), à l’angle de la rue Drouot et de la rue de la Grange Batelière. Il y retrouve Rimbaud et Forain en 1871 lorsqu’il travaille dans une compagnie d’assurances rue Laffitte.
8) Au 26 rue Drouot (le bâtiment a été transformé depuis) siège le Figaro. Verlaine essaie d’y placer une nouvelle en 1883.
9) Le 28 rue de Trévise est le domicile de Léon Petitdidier (Émile Blémont), que nous avons déjà croisé. Il fonde La Renaissance littéraire et artistique en avril 1872 et y publie en septembre Les Corbeaux, un poème de Rimbaud.
Empruntons le passage Verdeau, 31 bis rue du Faubourg Montmartre, puis le passage Jouffroy, pour rejoindre le boulevard et nous diriger à droite vers le boulevard Haussmann.
10) Le Triboulet, hebdomadaire monarchiste qui dure de 1878 à 1880, puis quotidien jusqu’en janvier 1882, a ses bureaux 8 boulevard des Capucines et 35 boulevard Haussmann. Verlaine tente sans succès d’y obtenir un article favorable à son recueil Sagesse en 1881.
11) Paul Verlaine, enfant, va au catéchisme rue de Douai. Entre 1853 et 1862, il est interne à la pension Landry, 32 rue Chaptal et se rend bientôt quotidiennement au lycée Bonaparte (aujourd’hui Condorcet), 8 rue du Havre.
12) Monet habite 8 rue de l’Isly en 1871 (et 26 rue d’Edimbourg en 1878).
13) Le modèle Méry Laurent a son domicile au 52 rue de Rome. Sa chevelure blonde et rousse lui crée un certain succès. Elle pose pour Manet et est la muse de Mallarmé. Méry a aussi été l’amante de Coppée, Banville, Gautier, Hugo… Elle possède également une maison 9 boulevard de Lannes, dont Proust s’inspire pour décrire l’intérieur de Mme Swann.
14) Par la place de l’Europe, nous gagnons la rue de Saint-Pétersbourg.
Dans les années 1860 est construit ici un grand pont en forme d’étoile afin de relier six rues de part et d’autre des voies ferrées qui mènent à Saint-Lazare. La gare, où le premier train parisien a pénétré en 1835, est en effet agrandie sous le Second empire. Les rues du quartier portent des noms de capitales européennes. La place de l’Europe, avec sa vue plongeante sur les trains, devient un lieu de promenade apprécié des parisiens, et un décor privilégié pour les artistes en recherche de modernité et de techniques nouvelles, comme Manet et ses amis Monet et Caillebotte. Zola fait de la gare et de la place le cadre d’ouverture de La Bête humaine.
Depuis 1872 et jusqu’à 1878 (plaque), Edouard Manet vit 4 rue de Saint-Pétersbourg, dans une ancienne salle d’escrime transformée en atelier. Il a planté ses racines dans le quartier. Il avait auparavant son atelier rue Guyot (Médéric). Les Goncourt sont scandalisés par sa peinture. Vers 1874, Mallarmé le visite chaque jour rue de Saint-Pétersbourg, après ses cours d’anglais au lycée Condorcet (alors lycée Fontane). Les grilles de la place de l’Europe constituent le fond de son tableau Le Chemin de fer, également appelé La Gare Saint-Lazare. On n’y voit en fait ni l’un ni l’autre. La toile a été peinte dans l’atelier du peintre Albert Hirsch, à l’arrière du 58 rue de Rome, et l’on y voit la porte du 4 rue de Saint-Pétersbourg au-dessus du chapeau de Victorine Meurent, son modèle favori que l’on retrouve dans Olympia, Le Déjeuner sur l’herbe, etc. L’œuvre est incomprise de la plupart des critiques. Même Zola ne sait pas trop quoi en penser. La modernité de son sujet, sa technique photographique (arrière-plan flou), son ton monochrome, la surprise affichée par le personnage principal, tout cela désarçonne, et le public comme les critiques considèrent que Manet est un peintre « primitif »… sauf Mallarmé, attiré par ce peintre surprenant. Mallarmé qui apprécie également Degas et relie les deux artistes qui, même s’ils dépeignent le règne de l’argent et la solitude de la vie urbaine, ne sont pas pour autant des amis.
15) Stéphane Mallarmé demeure au 4e étage du 29 rue de Moscou entre 1871 et 1875. A cette époque, Méry Laurent vit au 1er étage du même immeuble.
16) La famille Mallarmé emménage en 1875 au 87 (bientôt renuméroté 89) rue de Rome.
17) Le peintre Caillebote habite dans l’immeuble qui fait l’angle entre la rue de Miromesnil et la rue de Lisbonne. Comme Manet, il aime le quartier de l’Europe, que l’on retrouve dans plusieurs de ses toiles.
18) Mme Strauss tient son salon 104 rue de Miromesnil.
19) Pierre Louÿs vit 147 boulevard Malesherbes de 1898 à 1902.
20) Une plaque au 154 boulevard Malesherbes signale qu’a vécu ici Gabriel Fauré, qui a en particulier mis en musique des poèmes de La Bonne chanson de Verlaine.
21) Catulle Mendès a habité 160 boulevard Malesherbes.
22) Au 149 avenue de Wagram, Augustine Bulteau, chroniqueuse au Gaulois et au Figaro, anime dans les années 1890 un salon littéraire très influent, fréquenté par Henri de Régnier, Léon Daudet, Utrillo, Barrès, Louÿs, Anna de Noailles, etc. Mme Bulteau est par sa finesse et son attention la « Ménie Grégoire » des écrivains de l’époque. Elle est pour Régnier semblable à ces fortes barques robustes qui remontent le Grand Canal chargées de beaux fruits.
23) La belle Juliette Adam tient quant à elle son salon 190 boulevard Malesherbes (l’hôtel a disparu depuis) à partir de 1887. On y côtoie des ministres, des députés, Régnier, etc.
Petite bibliographie
Correspondance générale I, 1857-1885. Paul Verlaine. Etablie et annotée par Michael Pakenham. Fayard, 2005.
Les Yeux noirs, les vies extraordinaires des soeurs Heredia. Dominique Bona, Livre de poche n°7355.
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