La liste est longue des auteurs qui lancent, à travers l’histoire, leurs limiers dans les rues de la capitale : Anne Perry, Béatrice Nicodème, Georges J. Arnaud, Claude Izner, Jean-François Parot, Olivier Bleys, Jean d’Aillon… La frontière est mince entre le crime et l’aventure, et nous pourrions ajouter à cette liste de nombreux auteurs qui, d’Alexandre Dumas à Michel Zévaco, ont fait du roman historique à Paris un monde merveilleux.
Promenons-nous sur la trace de leurs personnages, pendant que le meurtrier n’y est pas…
Quel est ce mystérieux intérêt qui nous pousse vers le polar historique ?
Curiosité de savoir comment, sans la reconnaissance ADN et les écoutes téléphoniques, on menait une enquête par le passé ? Souhait de revenir à l’essence de la chasse au mystère : l’homme seul face au crime, avec pour seules armes son agilité physique et intellectuelle ?
Interrogation devant cet anachronisme apparent : comment une enquête policière était-elle possible avant la naissance de la police criminelle au milieu du XIXe siècle ?
Prétexte pour plonger dans le passé et pour, privilège du roman policier, ausculter une société de l’intérieur ? redécouvrir l’Histoire, la grande, par la petite lorgnette ?
Volonté d’habiller et d’habiter les vieilles pierres que nous croisons sur notre chemin ?
Passion pour l’histoire policière et judiciaire du Moyen-Âge, de l’Ancien régime ou du XIXe siècle ?…
Peut-être un peu tout cela à la fois, et la soif de lire l’aventure, à quelque époque qu’elle se déroule.
1) Commençons notre première balade sur la place de la Bastille. Nicolas Le Floch y fait « mettre à l’ombre » un témoin lors de son enquête en 1761, dans L’Énigme des Blancs-Manteaux de Jean-François Parot. Autre enquête, autre époque. Nous sommes en 1642 avec La Conjuration des Importants de Jean d’Aillon. Louis Fronsac et Gaston Tilly interrogent un faux-monnayeur dans les bas fonds de la prison.
2) Ils visitent aussi le couvent des Minimes, rue des Minimes, où les moines et leurs divers invités s’adonnent à des inventions diverses et variées.
3) La rue des Blancs-Manteaux est appréciée des romanciers. On la retrouve dans les deux romans que nous venons de citer. Dans cette rue habitent en effet Louis Fronsac, jeune notaire enquêteur, et, cent-vingt ans plus tard, le commissaire Lardin, au service duquel se met Nicolas Le Floch, héros de Parot et sorte de Hercule Poirot du XVIIIe siècle. Les caves de la famille Lardin communiquent avec celles du couvent des Blancs-Manteaux.
Le commissaire Lardin ne va pas tarder à disparaître mystérieusement, tout comme périt assassiné le commissaire du Fontenay au début de La Conjuration des Importants. La vie de commissaire est bien dangereuse ! Louis Fronsac va prêter main forte à son ami Gaston Tilly, commissaire de Saint-Germain-l’Auxerrois, pour élucider l’affaire.
4) La maison du père de Louis, véritable ferme fortifiée se trouve rue des Quatre-fils.
5) Du Fontenay était le commissaire du quartier de Saint-Avoye et demeurait rue Sainte-Avoye (l’actuelle rue du Temple, jusqu’à la hauteur de la rue Michel-le-Comte).
À cette époque, l’organisation des services de police de la capitale était particulièrement complexe. La maréchaussée dépendait du prévôt – le vicomte de Paris – qui était assisté par un lieutenant civil, chargé de la police générale, et par un lieutenant criminel.
Pour faire régner l’ordre, le prévôt disposait du guet royal dirigé par le chevalier du guet ainsi que d’un régiment de soldats, mais pour les enquêtes de police, il y avait les commissaires de quartier – ils étaient seize, correspondant chacun à une paroisse – qui dépendaient de la juridiction du Grand-Châtelet. Ces commissaires étant assistés par des commissaires enquêteurs et des inspecteurs.
À côté de ces forces de police, les échevins de l’Hôtel de Ville possédaient leur propre milice – le guet bourgeois – remarquablement peu active[[La Conjuration des Importants.]].
6) Tilly a son bureau (un sombre réduit) dans le Grand-Châtelet, siège du lieutenant civil et du lieutenant criminel. Jusqu’à sa destruction en 1802, le Grand-Châtelet était situé sur la place du Châtelet actuelle. C’est aussi le quartier général de Nicolas Le Floch.
7) Rue Montmartre, face à l’église Sainte-Eustache, au lieu dit la Pointe Saint-Eustache, Nicolas le Floch s’établit chez M. de Noblecourt, son ancien professeur, après la disparition du commissaire Lardin. Aujourd’hui, le café à l’extrémité de la rue Montmartre porte le nom de « Pointe Sainte-Eustache ».
Pour égarer un poursuivant, Nicolas s’introduit un jour dans l’église et s’y déguise discrètement.
Dans une autre aventure (L’Homme au ventre de plomb), Nicolas s’introduit dans l’impasse Saint-Eustache pour pénétrer ensuite dans l’église afin, encore, de déjouer une filature éventuelle.
8) Il aime faire halte tout près pour déguster des babas chez le pâtissier Stohrer, qui existe depuis 1730 au 51 rue Montorgueil (Nicolas Stohrer était le pâtissier de Marie Leszczynska, qu’il accompagna en France lorsqu’elle quitta la Pologne en 1725 pour épouser Louis XV).
8) Louis Fronsac se rend au Louvre pour mettre Mazarin au courant des événements. Il y croise brièvement… d’Artagnan, qui n’est pas encore mousquetaire.
9) Il va ensuite à l’hôtel de Rambouillet, situé jusqu’à sa destruction en 1848 rue Saint-Thomas du Louvre à peu près sous l’actuelle pyramide de Peï dans la cour Napoléon du musée du Louvre (la rue Saint-Thomas du Louvre prolongeait à l’époque la rue de Valois en direction de la Seine)
La marquise de Rambouillet y tient salon, entre 1620 et 1650. Louis est amoureux de Julie, sa nièce. Il y croise Voiture, Ménage, La future Madame de Sévigné, Tallemant des Réaux, etc.
10) Nous sommes au lendemain de la mort de Richelieu, qui fait espérer au pays un peu d’apaisement. Mazarin qui lui succède convoque Louis dans le Palais Cardinal (le Palais Royal) afin de faire un point sur l’enquête, qui commence à prendre des proportions internationales.
11) Son enquête le mène rue des Petits Champs, dans la maison d’un huissier apparemment mort par empoisonnement.
12) Rue Neuve-Saint-Augustin (aujourd’hui rue Saint-Augustin) se trouve l’hôtel de Gramont, où demeure de Monsieur de Sartine, lieutenant criminel de Paris dans L’Énigme des Blancs-Manteaux.
à suivre…