« Ne croyez donc pas tant au bien que fait la campagne. La nature nous déteste, la terre ne cherche qu’à se débarrasser de nous et nous blesse de toutes les façons, l’ingrate que nous ne cessons de flatter ! »
Alfred de Vigny séjourne plus qu’il n’habite au Maine-Giraud. Le « logis » appartient à son grand-père maternel, le marquis de Baraudin. Sa tante en est devenue propriétaire lorsqu’il le découvre durant l’été 1823 à l’occasion d’une étape qu’il se permet avant de rejoindre sa garnison à Bordeaux. Le décès de sa tante le ramène au Maine-Giraud en novembre 1827.
Puis il y revient comme dans une retraite nécessaire pour s’éloigner de la vie parisienne et se consacrer à la littérature. Pour lui comme pour son presque contemporain Flaubert, écrire, c’est se couper du monde… D’autant plus lorsque le touchent certaines circonstances douloureuses, comme la rupture avec l’actrice Marie Dorval ou son échec à la députation. Le Maine-Giraud (dont il hérite de sa mère en 1838) l’accueille ainsi en octobre 1838, en 1846, 1848-49, 1850-53, 1855 et 1858.
Ensuite, la maladie de sa femme et la sienne (il mourra d’un cancer du pylore) les retiennent définitivement à Paris. Au sommet de la petite tour, Vigny s’installe pour lire, dormir et écrire. Sainte-Beuve crée l’expression « tour d’ivoire » pour nommer cette cellule de moins de dix mètres carrés.
Là, Vigny observe la forêt et les vignes, médite, compose son oeuvre, écrit à des jeunes filles pendant que, dans l’autre aile de la maison, sa femme Lydia soigne une santé fragile.
Ses séjours laissent des traces.
Dans la terre, d’abord, puisqu’il se plaît à développer la production (en particulier vinicole) de la propriété.
Dans son oeuvre, ensuite, puisque là sont achevés La Mort du loup en 1838, La Bouteille à la mer en 1853 (conçue ici-même en 1846), et Les Destinées.
Dans le manoir et ses alentours, enfin, puisque Vigny, en vrai poète romantique, sait quitter sa tour d’ivoire pour s’engager dans « l’action sociale » (toutefois moins que ses collègues Hugo ou Lamartine) : il fait découvrir Shakespeare à ses domestiques, crée une bibliothèque publique à Blanzac et améliore la vie des fermiers en faisant poser du parquet dans leurs demeures.
Voir aussi 252.
Autres demeures de l’auteur
Vigny a aussi vécu à Loches et à Paris, ainsi qu’à Bordeaux, où il fait trois séjours en 1823-25. Il est alors soldat et loge à la caserne Saint-Raphaël, en face de l’église Sainte-Eulalie dans l’actuel hôpital Saint-André. Il rend alors visite à Marceline Desbordes-Valmore 16 rue Montesquieu. A Bordeaux, Vigny demeure également allées de Tourny.
Pour visiter le lieu
Le Maine-Giraud, Champagne-Vigny, 16250 Blanzac-Porcheresse. Un petit musée a été installé dans la salle à manger de la demeure (il est ouvert tous les jours, et l’on peut aussi monter dans la « tour d’ivoire »), et un autre dans la mairie de Champagne-Vigny. Pour tout renseignement : 05 45 64 04 49 ou maine.giraud@wanadoo.fr.
L’association Le Logis Vigny (05 45 64 04 49) propose pour les 3 à 15 ans des visites ludiques et animées du Maine-Giraud.
A voir aux alentours
A Blanzac, on peut encore voir rue de la Voûte la grande tour de l’hôtel Monte-Christo, où Vigny venait négocier la vente de son vin.
Petite bibliographie
Correspondance. Alfred de Vigny. Quatre tomes publiés aux Presses Universitaires de France.
La tour des crus. Article de Mathieu Lindon dans le supplément « Livres » de Libération, 29 janvier 1998.
Demeures inspirées et sites romanesques. Tome 1, article de Jérôme et Jean Tharaud.