Héritière pragmatique de Rousseau, elle est la première « grande » femme philosophe et, avec Chateaubriand dont elle est l’homologue protestante (c’est un peu vite dit, mais bon), l’initiatrice du romantisme.
Un tempérament volcanique, une conversation brillante
elle fait mentir plusieurs règles, parmi lesquelles celle qui veut que les descendants de parents célèbres peinent à se faire un nom, et cette autre qui veut qu’on ne puisse animer brillammant un salon littéraire et produire des uvres autres que d’estime.
Son père : Jacques Necker, bourgeois genevois, ministre des finances de Louis XVI à partir de 1776 (bien que ni français, ni catholique !), ambitieux mais sage et populaire.
Suzanne, sa mère, fait déjà salon. À la fois parce que cela entre dans le droit fil d’une éducation protestante, et parce que les lettres peuvent être un support du pouvoir de son mari.
Rue de Cléry viennent ainsi régulièrement Buffon, les Encyclopédistes, Bernardin de Saint-Pierre, Mme du Deffand, Mme Geoffrin
Germaine y a son tabouret réservé à partir de douze ans (c’est ce qu’on appelle l’éducation à domicile).
Ses parents lui lègueront un double héritage : une passion pour les lettres et la philosophie, un profond intérêt pour l’action politique.
– Germaine Necker naît en 1766 28 rue Michel-le-Comte dans l’Hôtel d’Hallwyll qui existe toujours.
– Les Necker habitent l’hôtel Le Blanc entre 1766 et 1789. Aujourd’hui, son emplacement est occupé par le 12 rue du Sentier et par la rue de Mulhouse ouverte en 1843 dans la rue de Cléry.
– Germaine épouse en 1785 l’ambassadeur de Suède en France, le baron de Staël-Holstein et, de grande bourgeoise, devient ainsi aristocrate.
Le grand amour ne dure pas longtemps, ce qui ne les empêche pas de résider 470 (actuel 94) rue du Bac, de façon discontinue entre 1786 et 1798. Telle mère, telle fille, Germaine ouvre son salon à La Fayette, Condorcet, Talleyrand
et elle écrit.
Les excès de la Terreur poussent les de Staël à l’exil de 1792 à 1795, puis à nouveau en 96.
En 1794 dans le château de son père, à Coppet près de Genève, Mme de Staël fait la connaissance de Benjamin Constant. Elle restera liée à lui, beaucoup pendant les premiers mois (une fille, Albertine, naît bientôt), de façon orageuse ensuite, jusqu’à leur rupture en 1811.
– En 1796, elle fait paraître De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations (Constant et sa passion du jeu doivent être un bon laboratoire d’observation), essai dans lequel s’expriment ses attentes républicaines.
En 1797, l’ambassade de Suède emménage dans le récent et imposant hôtel de Salm, qui est encore debout 64 rue de Lille. Mme de Staël parvient à l’époque à manuvrer auprès de Barras pour que Talleyrand soit nommé ministre des Relations extérieures. C’est pendant la période encore un peu lâche du Directoire.
– Les de Staël s’installent 102 rue de Grenelle en 1798, dans un hôtel moins coûteux que celui de la rue du Bac. Après le coup d’État du 18 Brumaire (9 novembre 1799) qui inaugure le Consulat, Mme de Staël et ses proches voient encore dans le Premier Consul le restaurateur possible de la République. Mais les désillusions ne tardent pas. De la littérature dans ses rapports avec les institutions est publié en 1800. À l’heure où le discours officiel (par exemple par la bouche de Fontanes, protecteur de Chateaubriand) rend les philosophes responsables des excès qui ont suivi la Révolution, Mme de Staël y explique qu’une littérature nouvelle (le romantisme) doit accompagner la naissance de la nouvelle société issue de 1789, et empêcher qu’elle connaisse à nouveau des périodes de Terreur.
Elle quitte Paris pour la Suisse en avril 1802. Son mari décède en route, dans une auberge de Poligny. En octobre, elle est officiellement interdite de séjour en France.
Ses deux romans Delphine (1802) et Corinne (1807) sont des succès de librairie et racontent peu ou proue la même histoire : la descente aux enfers d’une jeune femme à qui tout aurait dû réussir. Pour leur auteur, la Révolution n’a pas fait avancer la cause des femmes.
– Bonaparte se décrète empereur en 1804, et Mme de Staël et ses proches ne pourront mener d’action que à distance et
littéraire. Son port d’attache est le château de Coppet, d’où elle se déplace régulièrement en Europe, rencontrant Schiller, Goethe
Elle doit ainsi à l’empereur la découverte de l’Allemagne et de sa littérature.
À Coppet, « le groupe » rassemble autour d’elle Constant, Juliette Récamier, et des écrivains français, allemands et d’autres pays encore qui viennent se rencontrer, mais surtout travailler à leurs uvres, écrire, jouer du théâtre et se traduire mutuellement.
Mme de Staël, interdite de demeurer et de faire salon à Paris, crée par la force des choses à Coppet un laboratoire cosmopolite du romantisme où libéraux et royalistes se mêlent, les premiers l’emportant en nombre sur les seconds. À l’époque, en France, Napoléon fige la littérature dans un triste carcan néo-classique.
– En 1812, par la Russie et la Suède (où elle demeure jusqu’à mai 1813), elle gagne Londres.
De L’Allemagne est son testament intellectuel. L’ouvrage paraît à Londres en 1813 et impose dès lors à tout bon romantique le pèlerinage des lieux saints que sont Vienne et les bords du Rhin.
– Mme de Staël revient à Paris au printemps 1814 (elle s’installe à Clichy), lorsque l’exil change de camp. Cette fois, c’est au tour de l’empereur, direction l’île d’Elbe.
Elle décède 40 rue des Mathurins, à 51 ans en 1817.
Autres demeures de l’auteur
Mme de Staël habite également à Paris 64 rue de Lille, et 6 rue Royale sous le Directoire.
Elle séjourne chez Benjamin Constant à Hérivaux en 1797 et 98 et au Château d’Acosta à Meulan, pendant l’hiver 1806-07, ainsi qu’au château de Franconville (aujourd’hui centre médical Fernand-Besançon).
Pour visiter le lieu
Le château de Coppet est ouvert à la visite, de même que, à Paris, l’hôtel de Salm devenu Palais de la Légion d’honneur.
Quelqu’un à contacter ?
www.stael.org.
Petite bibliographie
Les Voix de la liberté. Michel Winock, Seuil, 2000.