Le Corsaire-Satan, 19 octobre 1846.
Par son goût du voyage et de la campagne et par le nombre de ses maîtresses, ce poète à la prose lumineuse est bien un romantique. Mais le distinguent de ses compagnons de la « bataille d’Hernani » sa réelle modestie, la modération de son engagement politique… et sa maladie. De la folie qui le frappe à partir de 1841 et dont il tiendra la chronique (ce qui en fera un héros des surréalistes à venir), il tirera des correspondances entre ce que nous vivons ici-bas et les mystères de l’au-delà.
À la différence de Sand, Lamartine, Vigny et autres Hugo, il n’a jamais eu de maison.
Toute sa vie, il poursuit de l’Oise à l’Orient, en passant par bien d’autres pays, la quête de son Eternel féminin et d’une mère jamais connue, dont il ne possèdera jamais ni portrait ni souvenir…
Gérard Labrunie naît à Paris, 96 (aujourd’hui 168) rue Saint-Martin, le 22 mai 1808. Fin 1808, ses parents doivent s’installer en Allemagne-son père est médecin des armées de Napoléon.
Gérard est mis en nourrice à Loisy, entre Ermenonville et Mortefontaine, région d’origine de sa mère où il empruntera son nom à un « clos Nerval ». En 1810, sa mère décède. Il est confié à l’oncle de celle-ci, Antoine Boucher, qui habite à Mortefontaine une maison touchant le château (disparue depuis).
À partir de 1814, il vit avec son père à Paris, tout en retrouvant Mortefontaine et le Valois l’été, jusqu’à la mort d’Antoine Boucher en 1820.
Élève au lycée Charlemagne, il fait la connaissance de Théophile Gautier. Il compose des vers dès 13 ans. Il n’accrochera pas aux études de médecine que son père souhaite pour lui, mais traduit à 20 ans le Faust de Goethe. Cela lui doit une belle célébrité et il rencontre Hugo et d’autres romantiques, écrit des drames avec Dumas.
Nerval est un fidèle observateur (et transcripteur pour les journaux) du Paris juste pré-haussmannien. Mais ses domiciles parisiens sont peu connus ou ont disparu. Il n’a guère habité que de pauvres masures, et le baron Haussmann en a rasé la plupart… Quelques indices cependant :
– avec Arsène Houssaye et Camille Rogier, il habite en 1834 au 3 impasse du Doyenné (impasse qui donnait sur la rue du Doyenné – où Théophile Gautier loue un deux-pièces – et se trouvait sur l’actuelle place du Carrousel, au coeur du Louvre) et vit bientôt une idylle sans issue avec l’actrice Jenny Colon. Avec elle comme avec d’autres avant et après, c’est l’histoire d’une rencontre ratée, d’un réel échappé pour un idéal qu’il ne trouvera jamais,
– en 1835, il est basé 5 rue des Beaux-Arts,
– il habite 14 rue de Navarin (9ème arrondissement) avec Théophile Gautier, en 1840-1841,
– entre 1841 et 1855, il effectue des séjours dans les maisons de santé des docteurs Blanche père et fils, à l’actuel 22 rue de Norvins (alors rue Traînée) à Montmartre, pour le père -maison remplacée aujourd’hui par un immeuble-, et à l’hôtel de Lamballe à Passy, pour le fils (aujourd’hui 17 rue d’Ankara),
– il habite en 1846 le Château des Brouillards à Montmartre, 13 allée des Brouillards, au bout de la rue Girardon,
– et, en 1848, 4 rue Saint-Thomas-du-Louvre (rue détruite en 1850 par le percement de la rue de Rivoli),
– en 1850, il habite 9 rue du Mail.
Sentant la maladie le poursuivre, il se plonge dans l’écriture et essaie de retrouver les origines de ses obsessions (par exemple dans Sylvie, une des Filles du feu écrite en 52-53 après un séjour dans le Valois pendant l’été 52),
– le 30 janvier 1855, on le trouve pendu à une grille de la rue de la Vieille Lanterne. Sans doute parce que, par cette nuit où il fait moins dix-huit degrés, on lui a fermé la porte d’un asile pour vagabonds et une folle rage le prend… Sur ce lieu, d’après les recherches effectuées par les surréalistes dans l’entre deux-guerres, se trouverait maintenant la cage du souffleur du Théâtre de la Ville, place du Châtelet…
– d’autres adresses parisiennes du poète : 16 rue de Douai, 39 rue de La Rochefoucauld, rue Saint-Thomas-du-Louvre, rue Monthyon.
Autres demeures de l’auteur
Gérard de Nerval est un grand voyageur, toujours de l’encre et du papier à la main.
Par exemple, après la mort de Jenny Colon, il embarque début 1843 pour un voyage d’une année en Orient. Nombreux sont les hôtels d’Orient et d’Europe qui l’hébergent, tel l’hôtel du Brochet, près du lac de Constance (Allemagne), en 1840.
Plus près de nous, l’hôtel de la Sirène, au fond d’une cour sur la rue du Général Leclerc à Meaux (aujourd’hui transformé en appartements), l’a hébergé à plusieurs reprises.
Non loin de là, Senlis, dont le poète était amoureux.
Pour visiter le lieu
Comme lieux nervaliens ouverts à la visite, il n’y a que les bois et étangs du Valois…
À voir aux alentours
Quelques traces littéraires autour de Mortefontaine…
– Rousseau à Ermenonville,
– Constant à Hérivaux (Luzarches),
– Dumas et Vigny à Valgenceuse,
– Daniel Boulanger et Louis Bromfield à Senlis.
Et à Montmartre, sur la butte :
– Léon Bloy,
– Francis Carco et Roland Dorgelès,
– Alphonse Allais,
– Georges Courteline,
– Marcel Aymé,
– Pierre Mac Orlan,
– Max Jacob,
– Céline,
– …
Petite bibliographie
Aurélia, Promenades et souvenirs, Lettres à Jenny, Pandora, et Les filles du feu, les chimères. Gérard de Nerval. Éditions Garnier-Flammarion, n° 250 et 44.
Balade en Oise sur les pas des écrivains. Marie-Noëlle Craissati. Éditions Alexandrines.
Gérard de Nerval. Claude Pichois et Michel Brix. Éditions Fayard, 1995.
Paris des écrivains. Sous la direction de Laure Murat. Editions du Chêne, 1997.
Dans les hameaux de « Sylvie ». Article de Robert Coiplet dans Demeures inspirées et sites romanesques, tome II, Éditions de l’Illustration.