Baudelaire, Revue fantaisiste, 15 juillet 1861.
Se prénommer « le lycanthrope » (le loup-garou), comme argument publicitaire, il faut oser ! Cela ne lui réussira d’ailleurs pas.
Borel prouve, comme d’autres, que « poésie » rime avec « maudit ».
Sa chapelle littéraire est celles des « Bousingots », ces romantiques première génération qui ont la haine des bourgeois et des aristocrates, et le culte de l’excès.
Son surnom animal s’accorde bien avec cette école. Borel a commencé par attribuer à deux personnages de Champavert, Contes immoraux (1833) un profil d’homme-loup, et par signer ce recueil de nouvelles en s’identifiant à Champavert, le lycanthrope. C’en est fait de lui. Les journalistes et échotiers font le succès de ce surnom qui, déjà, ne plaît plus à un public un peu lassé des excès en tous genres.
Si Baudelaire n’avait pas écrit « Sans Borel, il y aurait eu une lacune dans le romantisme », connaîtrions-nous la belle prose du Lycanthrope ? Ils se croisent très certainement dans les années 1840 sur l’Ile-Saint-Louis où ils sont voisins, ou encore dans les locaux de L’Artiste et du Corsaire Satan ; à l’époque, Borel, d’auteur bohème, est déjà devenu un miséreux.
L’histoire de ses lieux de vie, dans les petites rues du Paris pré-haussmannien, est dictée par l’état de sa bourse, en général pas fameux. Formé sur le tas à l’architecture, il habite souvent ce qu’il construit (en attendant qu’un client occupe l’endroit). Ainsi, par exemple, il vit en 1832 21 rue du Cherche-Midi avec Léon Clopet.
– Pétrus naît en 1809 à Lyon, rue des Quatre Chapeaux.
– En 1820, la famille habite Paris, 10 rue Notre-Dame-de-Nazareth.
– A la fin des années 20, Borel travaille chez un architecte à Melun et participe, aux côtés entre autres de Gautier et de Nerval au Petit Cénacle d’artistes romantiques, formé autour du sculpteur Jehan Duseigneur rue de Vaugirard, et dont Borel devient le pivot. Le 25 février 1830, il est de la bataille d’Hernani.
– En 1831, le petit Cénacle, installé dans une maison rue de Rochechouart au bas de Montmartre, fait l’expérience d’un « Camp des tartares » naturiste.
– En 1834, Borel est incarcéré à Sainte-Pélagie (située jusqu’en 1895 entre les rues Quatrefages, Larrey et du Puits-de-l’Ermite et dont l’entrée principale se trouvait à l’actuel 56 rue de la Clef) ; il habite à l’époque 61 rue d’Enfer.
Il traduit Robinson Crusoe en 1835.
– Fin 1836-mai 1837, il s’installe au Bézil dans la Marne, avec sa maîtresse et la fille de celle-ci, qu’il épousera en 1847. Les temps sont très durs.
– Il demeure à l’ancien n°6 quai de Béthune (bâtiment détruit par la construction du bd Henri IV) à la fin des années 1830, avant de s’installer début 1840 dans une misérable ferme près de la gare d’Asnières, où il vit jusqu’à 1843.
Il collabore à diverses revues, dont L’Artiste, avec Baudelaire, Nerval, Houssaye, Murger, Banville, etc. Il retrouve tout ce monde au Divan Le Peletier (ouvert en 1837 au n°3 rue Le Peletier), à côté du Café Riche.
Mais cela ne nourrit pas son homme. Dans l’espoir d’une vie meilleure, Borel s’installe en 1846, en Algérie où, sur le conseil de Gautier, il intègre l’administration coloniale. Son parcours là-bas, avec des hauts et beaucoup de bas (il faut dire qu’au niveau politique, la période est animée), le mène à Mostaganem (après une année à Alger). Là, il se construit peu à peu une maison.
Dénonçant des malversations de ses supérieurs, accusé de mal faire son travail, Borel est limogé en 1855, mais demeure sur place comme simple colon. Il décède en Algérie le 17 juillet 1859.