(Voir aussi 653).
« Je suis un menteur-né. »
Clavel à Adeline Rivard, dans Bernard Clavel, qui êtes-vous ?
idem
Bernard Clavel, dans l’émission Un siècle d’écrivains.
La magie des lieux opère de préférence à distance.
Clavel, l’homme aux quarante déménagements, le dit bien ci-dessus.
Elle a ceci de particulier qu’elle n’est pas automatique : il n’existe sans doute pas de lieu qui soit « magique » pour tout le monde ; il l’est pour tel ou tel, ou pour tel à un moment de sa vie.
Château-Châlon n’est donc pas magique, malgré les apparences.
Bernard Clavel en fait l’expérience lorsqu’il s’installe là en 1970, dans une belle maison de pierres en-dessous de l’église du village, qui surplombe la vallée de la Seille et le pays de Bresse.
Il revient dans la région de son enfance pour, pense t-il, y finir ses jours.
Mais il revend cette maison « invivable » cinq ans plus tard, sans y avoir trouvé une once d’inspiration.
– Il est né à Lons-le-Saulnier -la ville de Paul-Émile Victor- le 29 mai 1923. Dans Les fruits de l’hiver (prix Goncourt 1968), il raconte la vie de ses parents boulangers qui « sont morts en pensant qu[‘il serait] un raté ». La maison familiale se situe 25 bis rue des Écoles.
– L’enfance de l’écrivain est bercée par les récits d’avant-guerre de son père, les aventures africaines et orientales de son oncle et de sa tante Léa (de Dole, comme la tante Léa de son compatriote et ami Marcel Aymé), les livres de Pergaud, autre compatriote, de Dorgelès, Rolland,…
– À quatorze ans, il refuse de continuer l’école et quitte Lons pour Dole, où il devient apprenti-pâtissier pour deux années. Deux années d’exploitation, d’humiliation… et d’exploration.
– La guerre le voit exercer mille métiers à Lons, Annecy, Lyon, et entre deux, la peinture et l’écriture, puis s’engager dans le maquis du Jura. Après avoir lu La retraite de Russie de Hugo, il décrit en alexandrins la débâcle de 1940. Sa mère corrige les fautes d’orthographe. Bientôt, pour son premier amour, il écrit des tonnes de poèmes.
– En 1945, marié, il s’installe à Vernaison, un peu au sud de Lyon : d’abord dans un entrepôt, puis dans la maison Prénat, puis dans un bâtiment voisin de la ferme Berthier, enfin à la Croix-du-Meunier. Il travaille à la toute nouvelle Sécurité sociale… pendant neuf ans. Le Rhône guide sa plume et lui inspire en particulier ses deux premiers romans publiés : L’Ouvrier de la nuit, en 1956, et Pirates du Rhône.
Il quitte Vernaison pour Lyon[[D’abord quai Romain Rolland (1957 à 61) puis cours de la Liberté (61 à 64).]], et la Sécu pour Le Progrès de Lyon, en passant par la reliure.
– Il décide de n’être plus qu’écrivain et habite Chelles à partir d’octobre 1964 (mais là aussi, la magie des lieux n’agit pas), puis Brunoy à partir de 1969.
– De 1970 à 1975, son port d’attache est donc Château-Châlon, cadre du Silence des armes. Tiennot, La Saison des loups (premier épisode des Colonnes du Ciel) ont pour décor le Jura.
Son ami Michel Tournier -sédentaire, lui, depuis plus de quarante ans !- dit de Clavel qu’il est un auteur « géographique » ; ses héros sont poussés en avant par leur rapport à la terre.
– Ensuite, c’est Villeneuve-sur-Yonne, dans la maison Les Relais.
– Fin 77, invité pour une semaine au Québec, il s’y installe aux côtés de Josette Pratte. L’épopée Les Colonnes du ciel comptera un cinquième tome, non prévu à l’origine (et qui fait sortir le récit de la carte Michelin n°70, dans laquelle se serrent les quatre premiers tomes) : Compagnons du Nouveau Monde. Ses lieux de vie : Montréal et une ferme de Saint-Télesphore, un de ses lieux les plus chers.
– Retour en Europe début 79 : l’hôtel de l’Abbaye, dans le 6e à Paris, la banlieue de Bruxelles, le Portugal, Paris à nouveau, le hameau du Pissoux dans le haut-Doubs, Morges près de Lausanne sur les rives du Lac Léman (1981), l’Irlande (Doon House, près du lough Corrib, dans le comté de Galway), Saint-Rémy-de-Provence, la Savoie, le Bordelais, puis Morges à nouveau.
À voir aux alentours
Les voisins écrivains des alentours (de Lons et Dole) :
– Louis Pergaud à Belmont,
– Mallarmé à Besançon,
– Marcel Aymé à Villers-Robert.
Petite bibliographie
À lire absolument : la discussion rude et passionnante que propose Adeline Rivard dans Bernard Clavel, qui êtes-vous ? Éditions Pocket n°10838, 220 p., 2000.