Jules Barbey d’Aurevilly à son ami Trébutien alors qu’il écrit L’Ensorcelée.
Voir aussi 761.
Ne vous aventurez pas à Valognes par un soir pluvieux d’hiver. Vous risqueriez d’y croiser place des Capucins ce fantôme de Des Touches, à moitié vivant et fou pour l’autre moitié. « Je vis les figures à la fois héroïques et brutales des hobereaux repeupler ces hôtels noirs, silencieux, aux toits affaissés, que la moisissure dévore lentement. Je crus entendre siffler les balles des brigands parmi les plaintes du vent », écrit Anatole France qui a tenté l’expérience.
Barbey fut d’une famille monarchiste, puis auteur de nouvelles, puis républicain, puis libertin, puis romancier, puis dandy (auteur d’une biographie de Brummell), puis journaliste – à partir de 1837, pour vivre -, puis catholique et ultra-royaliste à partir de 1846, puis défenseur de Baudelaire, puis libertin à nouveau, puis pauvre, et toujours brillant causeur et virulent critique (Flaubert, pourtant normand comme lui, était une de ces cibles favorites, ainsi que d’autres écrivains prônant de nouvelles valeurs littéraires, tels Hugo et Zola).
– Il est né brutalement le 2 novembre 1808 pendant une partie de whist, dans la maison de son grand-oncle, place Ernest-Legrand à Saint-Sauveur.
– Jusqu’à dix-huit ans, il vit ou séjourne régulièrement à Saint-Sauveur, dans la maison de ses grands-parents, qui abrite actuellement le musée. Son enfance est bercée par les récits chouans de la bonne de sa grand-mère.
– De 1818 à 1825, il vit chez son oncle Pontas du Méril, maire de Valognes.
– Entre 1827 et 1829, il est, à Paris, étudiant au collège Stanislas. Il y fait la connaissance de Maurice de Guérin.
– Il poursuit des études de droit à l’université de Caen entre 1829 et 1833, s’enthousiasmant pour la révolution de 1830.
– En 1833, rompant avec sa famille, il devient, à Paris, rentier et libertin. Il habite différentes adresses parisiennes dont l’hôtel de Valence, 10 rue de Lille, en 1835 avec Maurice de Guérin et l’hôtel de Neustrie, 9 rue de Port-Mahon, en 1837.
– Fin 1855, il séjourne chez la baronne de Bouglon, son « Ange blanc », à la Bastide d’Armagnac, où il travaille au Chevalier des Touches.
– En 1856 et 1868, il habite à nouveau la maison de la rue Bottin-Desylles à Saint-Sauveur, travaillant sur Le Chevalier des Touches, Un prêtre marié et Les Diaboliques.
– En 1860, il s’installe à Paris, au premier étage du 25 rue Rousselet (logement n°4), après deux courts séjours au 6 rue Oudinot et au 29 rue Rousselet. Dans ce deux-pièces où il décèdera le 23 avril 1889, il reçoit Léon Bloy (qui habite au 24), les frères Goncourt, Daudet, Anatole France, Manet, Mirbeau, Paul Bourget.
– A partir de 1868, la maison familiale ayant été vendue à la mort de son père endetté, il revient presque chaque année à Saint-Sauveur, en étant hébergé de l’autre côté de la rue, chez le menuisier.
– A partir de 1872 (et jusqu’à 1887), il loue chaque été un appartement à Valognes, dans l’hôtel de Grandval-Caligny, 32 rue des Religieuses, où il achève l’écriture des Diaboliques.
– L’écrivain est enterré au château de Saint-Sauveur (jusqu’à 1926, son corps était voisin de celui de son compatriote normand Guy de Maupassant, au cimetière Montparnasse à Paris).
Autres lieux liés à l’auteur
Outre Valognes qui sert de décor aux épisodes de la Chouannerie normande décrits dans Le Chevalier des Touches et aux Diaboliques (l’hôtel de Beaumont dans la nouvelle Le dessous de cartes d’une partie de whist), d’autres lieux de la région ont servi de décors romantiques et fantastiques à des récits de l’écrivain :
– Varenguebec, Vindefontaine, Lessay, Montsurvent, et l’abbaye de Blanchelande (et Saint-Sauveur) pour L’ensorcelée
– le château d’Olonde, à Canville, pour Une histoire sans nom
– le cap de Carteret pour Une vieille maîtresse
– l’Isle-Marie pour Ce qui ne meurt pas
– l’église de Taillepied pour Un prêtre marié.
– Le Chevalier des Touches se déroule aussi à Granville, Avranches et dans le Mortainais.
Pour visiter le lieu
Le musée Barbey d’Aurevilly existe depuis 1989 64 rue Bottin-Desylles, 50390 Saint-Sauveur-le-Vicomte (tél. 02 33 41 65 18).
– Un parcours littéraire intitulé « Un guide nommé Barbey d’Aurevilly » est proposé à Valognes par la Maison du Tourisme et du Patrimoine (02 33 40 11 55).
– L’hôtel de Grandval-Caligny peut être visité de juin à septembre, entre 11h et midi ou entre 14h30 et 18h. Téléphoner pour prendre rendez-vous au 02 33 40 01 75.
– Le Grand Hôtel du Louvre, 28 rue des religieuses à Valognes, a également accueilli Barbey (dans sa chambre n°4). Pour y réserver une chambre : 02 33 40 00 07.
– L’abbaye de Blanchelande est aujourd’hui propriété privée.
– L’hôtel de Beaumont, à l’angle des rues Barbey d’Aurevilly et du Petit Versailles, se visite entre le 1er juillet et mi-septembre et à Pâques, de 14h30 à 18h30 (ou bien à d’autres moments, pour les groupes et sur rendez-vous). Contact : 02 33 40 12 30. L’été sont organisées des soirées aux chandelles et en costumes d’époque.
– des balades littéraires dans la Manche (entre autres, sur les pas de Barbey) sont proposées par l’association Pages et paysages. Renseignements au 02 31 79 92 73.
À voir aux alentours
– Alexis de Tocqueville à Tocqueville,
– Boris Vian à Landemer,
– Jacques Prévert à Omonville,
– Rémy de Gourmont à Coutances,
– Octave Feuillet à Saint-Lô,
– Didier Decoin quelque part dans la Hague…
– Erik Orsenna quelque part dans le Cotentin…
Petite bibliographie
Ils y ont vécu. Article de Pierre Leberruyer, dans Vieilles Maisons Françaises n°132.
Présences littéraires en Basse-Normandie et dans les Iles anglo-normandes. Georges Poisson et Dominique Gros, Centre régional des Lettres de Basse-Normandie et Isoète Editions (Cherbourg), 1998.
Les demeures aureviliennes. Article de La Varende, in Demeures inspirées et sites romanesques, tome 111, éditions de l’Illustration.